10 décembre 2006
Mon beau sapin, roi des forêts
Certaines déceptions sont à la mesure de l'espoir qui les a fait naître, se plaisait souvent à répéter Nietsche, qui avait pas mal pratiqué les turinois comme chacun sait.
En Italie, Noël est une institution, dont les festivités débutent le 8 décembre, jour de l'immaculée conception (par ailleurs férié ici merci bien mille mercis Marie) et se terminent le 6 janvier, et puis Fanny.
Hélas, mille fois hélas, nous avons appris que les turinois étaient de bien tristes sires en terme de sapin de noël. Impossible en effet de dégoter un sapin dans tout Turin, alors que derrière les fenêtres de nos voisins nous pouvions pourtant apercevoir des trucs verts lumineux.
Oh oh oh ce n'est pas faute d'avoir cherché, nous avons écumé dans l'ordre : fleuristes, vendeurs de sacs Gucci à la sauvette, marchés, Ipercoop, boulangeries, et enfin en dernier recours nous avons demandé aux autochtones où ils trouvaient leur BIIIIIP de sapins de BIIIIIP parce que nous on BIIIIIP et qu'on en a ras le BIIIIP.
Il nous a été répondu trés clairement qu'ici Madame Monsieur on fait du sapin sympa synthétique, car le synthétique c'est é-co-lo-gi-que, et qu'ici l'écologie c'est trés trés important.
On dira ce qu'on voudra, mais si c'est pour payer 50 euros une bouse en plastoque, nous on préfère organiser une expédition nocturne en forêt, et se découper un vrai sapin pas écologique à l'aide de l'épilateur électrique de Sandrine (bah oui faute de tronçonneuse on mange des merles).
D'ailleurs c'est ce qu'on a fait, peu ou prou. Dimanche on a sauté dans la voiture direction la montagne et les forêts de sapins sauvages. Bon sur la route on en a profité pour visiter Pinerolo, ville charmante bien que dépourvue de sapins.
pas de sapin perlimpinpin
Nous avons donc progressé vers les sommets inexplorés des Alpes, dans l'espoir de débusquer un sapin chétif qu'on aurait pu arracher à mains nues. Mais les sapins non domestiqués sont de sacrés durs à cuire et, il faut l'avouer, après moultes virages en triple lacets piqués nous n'étions pas au mieux de notre forme pour la chasse au sapin.
des sapins oui mais très grands et bien enracinés
Nous progressions vers le sommet du col de la Fenestrelle, quand la nuit nous est tombée dessus, et là après un court debriefing nous avons décidé d'un commun accord que l'équation (nuit)+(route de montagne sans parapet)+(nausées persistantes de Sandrine) = demi-tour vers le plancher des vaches et achat de sapin écolo synthétique à prévoir.
La montagne, ça vous gagne
Alors que nous rentrions bredouilles au bercail, les yeux de Sandrine se sont écarquillés, elle a hurlé "SAAAAAAPIIIIN A BABOOOOORD", Patrick a pilé net, et nous nous sommes rués chez le fleuriste de ce petit village de montagne de trois-quatre habitants. Pour la modique somme de quinze écus, nous avons ramené une superbe bête de deux mètres de haut.
Alors, allright : Patrick s'est fait une hernie en chargeant les 40 kilos de barbaque de sapin empoté (NDLR c'est le sapin qui est empoté) à l'arrière de la voiture, Sandrine a fait les cinquante kilomètres du retour avec une branche de sapin incrustée dans la joue gauche, le sol de l'appartement est tapissé d'épines et de terre, et à présent nous nous contentons du mètre carré restant dans notre salon pour écrire nos articles et regarder nos dvd, les quatorze autres mètres carrés étant occupés par notre nouvel ami.
Viens chez moi, j'habite chez mon sapin
Sans compter que nous n'avons aucune idée du sort à lui réserver en janvier, le tri sélectif en vigueur ici n'incluant pas de benne de deux mètres pour les vrais sapins de noël pas écologiques.
Allright. Mais à la vérité, on s'en moque et pas qu'un peu, parce qu'on a décidément un trés, trés chouette sapin. Et au cas où vous ne l'auriez pas compris, on l'adore.
on l'aime, on l'adore, c'est fou comme on l'aime, il joue du piano debout, c'est peut-être un détail pour vous
Sandrine et Patrick d'un commun accord, pas très écologiques sur ce coup mais qui pour se rattraper feront leur tri sélectif très minutieusement ces six prochains mois.
23:30 Publié dans Périples | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : sapin, noel, turin, torino, alpes
04 décembre 2006
Luci d'artista
Jingle bells jingle bells, deck the hall et surtout surtout merry christmas par trois fois.
A partir de la mi-novembre à Turin, c'est l'esprit de noël qui déboule avec son traineau, ses bottes de sept lieues, et ses artistes contemporains.
En fait tout débute réellement bien des mois auparavant.
Flashback : dans un petit bureau de la piazza Veneto, un nuage de fumée s'élève d'une table ronde, où sont réunis les 23 artistes de l'organisation secrète du TAC (Torino Arte Contemporanea).
Mario brandit son cigarillo et rompt le silence.
- Bon les mecs, comme vous le savez nous avons pour mission de décorer la ville pour noël, et ce pour la troisième année consécutive. Alors cette année les cocos je veux de la créativité à gogo, inventez, osez. L'organisation compte sur nous.
- Quelle organisation le NTAC ?
- Non Luigi, le TAC.
- J'ai une vision novatrice les potos. On pourrait empiler des rondins pour en faire des colonnes, et puis les rondins seraient blancs et gris comme ça éventuellement les colonnes seraient rayées, j'aime bien les rayures.
- Ok. Ecoute moi bien Buren. Je te le redirai pas deux fois : tes colonnes rayées, on n'en veut toujours pas. C'est dépassé mon vieux, dé-pas-sé ! En plus tu nous a déjà fait le coup à Paris alors merci bien. L'organisation décline ta proposition.
- Tu veux parler de la CIA ?
- Non Luigi.
- Et si on plongeait la ville dans le noir ? Tu vois, genre, tu vois, une anti-luci d'artista, un truc énorme, niveau concept...
- Ouais Jan, formidou mais le truc c'est qu'on a déjà un contrat sponsoring avec EDF et ils vont peut être pas goûter au concept de l'anti-investissement.
- Moi je pense que l'esprit du SD6, c'est surtout la narration. Alors ce qui serait vraiment chouette ce serait de faire une histoire lumineuse un truc comme ça.
- Le TAC Luigi le TAC. Bon, c'est pas mal, ça me rappelle ton truc de l'an dernier mais on garde.
- Tiens ça me donne une idée de ouf les gars : si on refaisait exactement les mêmes décos que l'an dernier ? Ce serait hyper contemporain, tu vois genre concept un peu ethnique du temps cyclique, de la projection rétroactive, genre comme dans "Retour vers le futur" tu vois ?
- Wahou démentiel, formidou, je valide ! Mais au fait Joseph t'a rien fait toi l'an dernier ?
- Euh bah si un truc concept sur les murazzi.
- Ah ouais, ton néon blanc. Euh ouais.
- En tout cas ça devrait plaire au FBI comme idée parce que les structures sont prêtes, y a plus qu'à les monter, ça va leur économiser des ronds.
- Luigi, tu nous les brises menu. C'est le TAC, nous, le TAC, tu vas te mettre ça dans le crâne oui ?
Nous l'an dernier on n'était pas là, du coup on était quand même très contents de voir ces chouettes lumières d'artistes. En voici quelques unes avec nos appréciations (de une à cinq étoiles, on n'a pas réussi à dessiner le oui-oui de Télérama qui fait le gugusse avec un parapluie). Nous nous sommes permis d'utiliser quelques images du site du TAC suite à des soucis de batterie d'appareil photo survenus à mi-parcours.
Mario Merz, Il volo dei Numeri, Mole Antoniella
Mario, il n'a pas eu grand chose à faire. Sa suite de Fibonacci lumineuse est en effet présente toute l'année sur la Mole. En même temps, Mario, c'est le Boss du TAC, il fait ce qu'il veut.
Daniel Buren, Tapetto Volante, Piazza Palazzo di Città
Dany a laissé tomber ses colonnes, mais pas ses rayures. Pour le coup c'est une des créations les plus réussies. Son tapis volant à cubes rayés s'intègre parfaitement à la place de l'hôtel de ville. Et ce de jour comme de nuit, l'effet est saisissant.
Giulio Paolini, Palomar, Via Po
Il paraît que le mec qui fait le mariole sur un ballon est la métaphore de l'homme qui (sic) "se balance entre le connu et l'inconnu". Sacré Giulio.
Jan Vercruysse, Fontane Luminose Piazza Carlo Alberto
source : http://www.torinoartecontemporanea.it
Jan n'a pas tout à fait renoncé à son idée de black-out dans Turin. Il a juste fait quelques petites concessions.
Luigi Mainolfi, Lui è l'arte di andare nel bosco, Via Garibaldoche
source : http://www.torinoartecontemporanea.it
Luigi se promène dans un bois drôlement silencieux, et il y retrouve des enfants capturés par des lutins d'une organisation gouvernementale secrète.
Nicola de Maria, Regno dei Fiori, Piazza Carlino
source : http://www.torinoartecontemporanea.it
Il transforme les lampadaires en "fleurs qui à travers la lumière deviennent des nids cosmiques qui blabla bla... dans nos coeurs blablabla... l'univers". On comprend pas tout mais c'est très joli.
Carmelo Giammello, Planetario, Via Roma
Des constellations qui évoquent un réseau de transports métropolitains. On aimerait que celui de Turin soit aussi complet.
Rebecca Horn, Piccolli spiriti blu, Monte dei Cappuccini
source : http://www.torinoartecontemporanea.it
L'église entourée de ses ronds bleus devient un astronef paumé dans le brouillard du Pô. Bon quand elle l'explique c'est plus poétique mais il faut qu'on finisse cet article parce qu'il est tard, que demain c'est lundi et que nous aussi on doit installer nos guirlandes luci d'artista à nous dans notre appartement.
Sandrine et Patrick d'un commun accord
10:10 Publié dans Turin en tant que telle | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : luci d'artista, turin, torino, art contemporain, noel